Isabelle Pandazopoulos

Pulsion de vie


13 ans et +
Romans

  • Isabelle Pandazopoulos La Nuit des treize plumes
  • Rageot
    20 août 2025
    368 p., 17.90 €
  • L'entretien par Aude Marzin
    Librairie Plaisir de lire (Plaisir)
  • ❤ Lu & conseillé par 12 libraire(s)
    👀 Thèmes : Roman, conte, liberté, droits des femmes

✒ Aude Marzin

Librairie Plaisir de lire (Plaisir)

Isabelle Pandazopoulos nous livre un conte moderne pour notre plus grand bonheur, avec une écriture ciselée. Comme dans les contes de fées, le père est manipulateur, la mère jalouse et la magicienne secrète. Mais ici, l’héroïne veut être libre et va affronter bien des dangers afin de conquérir une liberté, chère à son cœur.

Pouvez-vous nous présenter l’histoire de La Nuit des treize plumes ?

Isabelle Pandazopoulos C’est une histoire qui commence comme un conte de fées : une princesse, Ondine, mariée par son père, un roi du Nord, dans un mariage arrangé. Elle ne connaît pas son mari, elle a grandi dans une sorte de couvent où on ne lui a appris qu’à attendre d’avoir ses règles. Elle finit par s’enfuir et découvre qu’une malédiction entoure sa naissance. Le roman suit son parcours vers la liberté, dans un monde où elle veut devenir une femme libre.

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Quel conte est à l’origine de ce texte ?

I. P. Il n’y a pas un conte en particulier. On pourrait citer Les Douze Frères des frères Grimm, mais j’ai aussi été nourrie par les contes slaves et les contes de Grimm en général. J’ai beaucoup travaillé avec des enfants en difficulté via les contes. J’en ai beaucoup lu enfant. Ça fait partie de mon imaginaire. Leur force vient de ce qu’ils condensent beaucoup des inquiétudes universelles qui agitent tous les êtres humains, quelle que soit l’époque. C’est un moyen pour moi de parler du monde d’aujourd’hui, notamment de ce qu’on fait aux femmes et à leur corps.

 

Quelle était votre intention première en écrivant ce texte ?

I. P. Je voulais que le lecteur soit emporté par l’aventure, les rebondissements et aborder des questions sur la condition féminine, ce que peuvent vivre les femmes parce qu’elles sont femmes. Il est question du corps, de l’enjeu que constituent les corps des femmes dans nos sociétés : la découverte des règles, l’examen de virginité, la découverte du plaisir féminin, les violences... Je voulais suggérer les choses, sans forcément tout montrer frontalement, pour un public adolescent. C’est aussi l’histoire de femmes en lutte qui cherchent en elles une force vitale, une pulsion de vie.

 

Ondine reçoit chaque année une plume. Pouvez-vous nous en dire plus ?

I. P. Ces plumes sont des signes d’un lien, peut-être d’amour ou d’espoir, dans une vie très dure. On sent qu’elles recèlent un mystère.

 

Qui est Lavinia, cette magicienne importante pour Ondine ?

I. P. Lavinia, c’est une figure de mère, version conte. Elle est complexe, pas juste une adjuvante ou une opposante. Elle aussi est prise dans des règles tyranniques. Elle ne transmet pas directement mais pousse Ondine à se battre. Leur relation évolue et Ondine finit par gagner son respect.

 

Qu’en est-il de ce « couvent » où grandit Ondine avec d’autres filles ?

I. P. C’est un lieu d’enfermement où les filles sont interdites de grandir. Elles ne doivent rien apprendre, ni lire, ni écrire. Ondine est maintenue dans une ignorance totale de tout. Ce lieu évoque des réalités passées et actuelles. Ces filles privées d’éducation, il en existe un peu partout dans le monde, aujourd’hui en Afghanistan plus qu’ailleurs. La scène des premières règles, par exemple, est marquante : Ondine ne comprend pas ce qui lui arrive. C’est inspiré de ce que ma mère a vécu : beaucoup de jeunes filles pensent qu’elles vont mourir en voyant le sang de leurs règles pour la première fois. Et il faut savoir que jusqu’en 2018, le sexe féminin était encore mal représenté dans les manuels scolaires.

 

Parlez-nous de cette nuit de noces et surtout de l’examen médical qui la précède.

I. P. Ondine ne comprend pas ce qu’on lui fait. On lui dit simplement de ne pas bouger pour que « ça passe plus vite ». C’est une scène de domination, une sorte de viol, l’examen médical étant pire qu’une intrusion. Sa mère apparaît à ce moment-là, pour la rassurer. Mais Ondine a grandi sans elle, sous l’influence de son père Igor qui la présentait comme jalouse.

 

Comment décririez-vous le personnage du père, Igor ?

I. P. C’est un tyran qui la maintient sous emprise. Il souffle le chaud et le froid. Il instrumentalise sa fille pour asseoir son pouvoir, la maintient dans une position de soumission et d’ignorance.

 

Qui est Zlatko, le compagnon d’Ondine ?

I. P. C’est une belle histoire d’amour. Zlatko est résilient, il a élevé sa sœur après un drame. Ils se rencontrent pendant les célébrations du mariage d’Ondine. Il représente la liberté, le nomadisme, l’opposé de l’enfermement d’Ondine. Leur relation est fondée sur l’amour libre, le respect et la réciprocité.

Quel rôle joue la petite sœur de Zlatko ?

I. P. Elle est importante : bien qu’elle ne parle pas la langue d’Ondine, c’est elle qui lui apprend à lire. Cet échange entre les deux jeunes filles est très fort, il marque le début de l’émancipation d’Ondine, sa découverte du monde et d’elle-même.

 

Pourquoi Ondine et Zlatko se séparent-ils à un moment donné ?

I. P. Parce que la liberté d’Ondine passe par une forme d’autonomie et de solitude. Même s’ils sont séparés, il reste entre eux un lien profond.

 

 

La Nuit des treize plumes est un conte dans tout ce qu’il y a de plus cruel mais avec une héroïne, Ondine, très attachante mais fragile. Élevée dans un Terem au milieu d’autres petites filles qui ne l’aiment pas beaucoup, bien qu’elle soit l’héritière du royaume dirigé par son terrible père Igor, elle est maintenue dans l’ignorance la plus totale : elle n’apprend ni à lire, ni à écrire, ni rien qui puisse la préparer à une vie hors de ces murs. Mais Ondine a un feu qui brûle au plus profond d’elle : une envie de liberté qui va la pousser à prendre tous les risques afin de vivre sa vie à elle.

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