Retour vers le futur

Zohra et Félix, 10 ans, sont meilleurs amis. À l'aube de leur entrée en 6e, ils décident de faire une capsule temporelle pour garder de précieux trésors qu'ils pourront rouvrir adultes. Mais quand ils la déposent, une faille temporelle s'ouvre et ils apprennent que leur amitié est en danger.

Comment vous est venue l'idée d'écrire un roman jeunesse, vous qui venez du monde du cinéma ?

Maud Alpi En tant que lectrice, je n'ai jamais quitté la littérature jeunesse. Longtemps, j'ai été une adulte amoureuse des albums. Je ne pensais pas faire une incursion dans ce domaine parce que je travaillais avant tout dans l'image. Il me semble que cette histoire m’est venue quand ma fille a commencé à lire seule ou peut-être juste avant, quand j’aimais lui raconter des histoires et qu’elle me demandait d’en inventer. En tout cas, c’est une de ses questions ‒ « C'est quoi une capsule temporelle ? » ‒ qui a déclenché l’écriture de ce livre. Dire ce mot et l'expliquer a fait remonter plein de souvenirs et d'émotions de mon année de CM2 où j’avais vécu beaucoup de séparations. La peur qui les accompagne peut être très forte à cet âge-là. C’est ainsi que m’est venu ce sujet d'une séparation annoncée, d'un futur pas très sympa, avec des projections un peu dures qu'il fallait à tout prix conjurer.

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Quand est née l’idée du voyage dans le temps ?

M. A. En même temps, je crois. Capsule temporelle, prophétie, voyage dans le temps : ces thématiques me sont venues tout de suite en fait. Mais j’ai conçu ces éléments de science-fiction comme des outil pour explorer la question des affects, des sentiments.

L'amitié est au cœur du roman. Quel message avez-vous envie de transmettre au lecteur ?

M. A. J'avais envie de conjurer ces amitiés perdues, brisées, de cette période-là. C'est une forme de consolation. Je souhaitais aussi que ce soit une amitié entre un garçon et une fille. Deux choses risquent de briser leur amitié : le fait qu'il y ait un trouble amoureux qui n'est pas partagé et des projections parentales qui ne sont pas les mêmes d'un côté et de l'autre. J'avais surtout envie de raconter que le trouble amoureux dans une amitié n'est peut-être pas quelque chose d'insurmontable, même si, dans les faits, il devient rapidement un gros obstacle. Je voulais expliquer aux enfants que c'est quelque chose qu'on peut vivre et parfois dépasser, et en aucun cas un drame absolu. Je voulais aussi raconter qu'en se liguant contre ce qui les menace, contre les projections négatives qui voudraient les mettre dans des cases et des mondes séparés, ils vont souder leur amitié.

Zohra, votre narratrice, est une jeune fille maligne qui, dans le futur, devient une femme importante par son travail. Était-ce essentiel pour vous d'avoir un personnage féminin fort ?

M. A. C'est une évidence ! En même temps, elle est confrontée à une projection d'elle-même un peu dure : cette Zohra, scientifique passionnée qui veut réussir, est un peu caricaturale. Elle découvre finalement que ce personnage ne lui plaît pas du tout, qu’elle n’est pas cette personne-là. Dès lors elle ne sait pas ce qu'elle deviendra mais cherche d'autres pistes de vie.

Ce qui m'a touchée également, c’est la confiance et le dialogue possible entre un enfant et un adulte, grâce à la figure de l'oncle. Qui est-il ?

M. A. Tarek est l'oncle de Zohra. Il travaille dans une recyclerie, aime aussi se pencher sur le passé. C'est un grand lecteur de science-fiction. C'est lui que Zohra va voir quand elle ne sait plus quoi faire. C'est le seul adulte à qui elle peut oser confier qu'elle a rencontré le moi du futur de Félix, qu'elle est en contact avec une faille temporelle. C'est le seul dont elle pense pouvoir être crue.

Sara Gavioli illustre votre texte. Avez-vous pu échanger avec elle ?

M. A. Je n'ai pas échangé avec elle mais, avec mon éditrice, on a discuté auparavant des pistes d'illustration. On s'est donné des noms et on a choisi ensemble la direction à prendre. C'était une chance pour moi car ce n'est pas toujours possible et vraiment plaisant d'aller vers un univers visuel qui soit en accord avec la tendresse et l'humour que j'ai essayé de mettre dans l'histoire.

Pour son premier roman, Maud Alpi frappe fort en nous plongeant au cœur même d'une amitié menacée par moult problèmes : un camarade de classe agaçant qui ne manque pas de harceler Zohra et Félix, un voyageur du futur qui annonce la fin imminente de leur amitié, ainsi qu'un secret pesant qui ne doit pas être révélé. À travers cette aventure, l'autrice nous parle du quotidien et des peurs qui régissent la vie de ces adolescents en devenir qui vont prendre le chemin du collège. Incroyablement efficace et sans fioritures, ce texte s'inscrit parfaitement dans la collection « Le Grand Bain » au Seuil Jeunesse et nous permet de découvrir une autrice prometteuse !