Les témoignages

La littérature de jeunesse selon Sylvie Servoise

Sylvie Servoise
Professeure de littérature à l’université du Mans et coordinatrice de la rubrique « recherche » de PageÉduc’

Quel personnage de littérature jeunesse vous a marquée ?

S. S. : Après y avoir réfléchi, je pense que c'est le personnage de Pinocchio, je suis d'origine italienne, donc c'est peut-être pour ça que je pense d'emblée à la petite poupée de bois. À travers l'histoire de Pinocchio, se dessine la métaphore de l'enfance. Pinocchio est un petit pantin buté qui fait des bêtises, qui dit toujours qu'il va se corriger mais ne le fait pas. Et petit à petit quand même, il y arrive, c'est donc aussi un livre qui est rassurant pour les parents :  ce n'est pas parce que on a l'impression que l'enfant va dans la mauvaise voie que c'est forcément le cas. 

Et surtout, Pinocchio brasse des grandes questions : la métaphysique du mal, la confiance, la naïveté, la conscience avec le personnage du Criquet. C’est ça qui fait la magie de la littérature de jeunesse ! À travers une histoire l’enfant est amené à se poser beaucoup de questions grâce aux personnages et aux situations : par exemple Pinocchio dans le ventre de la baleine ou Pinocchio au pays des jouets quand il a ce sentiment de grande liberté. Ce sont des situations qui, quand on est enfant, vous marquent d'autant plus qu'elles ne sont pas immédiatement lisibles. On a envie d'être comme Pinocchio au pays des jouets, mais on se rend compte avant lui que c'est un drôle de pays et c'est ce balancement de conscience et d'interrogation qui, à mon avis, rend ce personnage complexe très attachant. Cela rejoint la question de savoir si la littérature pour la jeunesse est une petite littérature. Je peux donc répondre que non car elle est capable de poser ces grandes questions compliquées grâce à l'imagination et la sensibilité.

 

En quoi la littérature pour petits n’est pas une petite littérature ? 

S. S. : Je pense que la littérature pour petits n'est pas du tout une petite littérature, ne serait-ce que parce qu'il y a des grands écrivain.e.s qui ont écrit des chefs d'œuvres, aussi bien des albums, romans, romans pour ados ou young adult. Il y a des grands livres dans cette littérature pour petits. Cette littérature est assez innovante et créative parce que ce n'est pas facile de se mettre à hauteur d'enfant. Trouver un langage, des images, des situations demande de l’innovation, de l’originalité et de la créativité. La littérature pour petits c'est précisément celle qui fait grandir, qui ouvre grand les fenêtres sur le monde extérieur comme intérieur. C'est la première fois qu'un enfant va voir comment d'autres personnages pensent, évoluent... À mon avis, ce n’est donc pas une petite littérature et j'aurais même tendance à dire que c'est une version miniature, comme une capsule de la littérature générale, où tout ce qui fait sa magie est concentrée à l'état pur. 

Pour en savoir plus sur le colloque « Faisons-les lire », retrouvez le replay en cliquant ici ! 

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