La parole aux enseignants

La désignation aléatoire

✒ Katell Carrer, Collège Jules Verne, Provins

Nous sommes tous amenés à interroger les élèves, soit pour qu’ils répondent à des questions, soit pour vérifier leur compréhension ou leur interprétation des consignes et des textes proposés. Cette interrogation peut se faire sur la base du volontariat - l’élève lève la main et nous l’interrogeons.

Je me suis questionnée dernièrement sur les élèves qui ne levaient pas la main. Qu’en est-il d’eux ? Ne lèvent-ils pas la main parce qu’ils ne savent pas ? N’osent-ils pas ? Veulent-ils se faire oublier ? 

Mais je me suis moi-même interrogée sur ma pratique. Effectivement, il est plus aisé pour nous d’interroger des enfants qui « savent », qui participent parce qu’on va plus vite. Mais ne laisse-t-on pas des enfants à la traîne avec ce genre de pratique ?

J’ai donc mis en place la désignation aléatoire, inspirée de l’enseignement explicite. Le principe de l’enseignement explicite est de ne pas laisser de place à l’implicite, au flou, qui nuit aux apprentissages, pour que l’élève comprenne le cheminement du cours et qu’il quitte la classe en sachant précisément ce qu’il a appris. 

La participation orale est très importante pour le cours car elle dynamise les échanges, permet de vérifier la compréhension, permet de repérer les implicites d’un texte et sa bonne réception. Toutefois, je constate qu’en une heure de cours, tout le monde ne prend pas la parole. Ainsi, j’ai mis en place, en en parlant aux élèves au préalable, la désignation aléatoire. Les enfants savent que je peux les interroger même s’ils ne lèvent pas la main. Je peux leur demander de me rappeler la leçon précédente, de lire leur réponse, de lire une question au tableau. Alors comment faire pour procéder à cette désignation ?

Il existe plusieurs astuces : utiliser par exemple des bâtonnets avec le nom des élèves et les tirer au hasard, utiliser une roue numérique, comme celle proposée par le site Classroomscreen, qui permet d’entrer tous les noms des élèves et de lancer une roue de parole, ou encore faire un tirage au sort avec les étiquettes prénoms des enfants. Ce procédé permet aux enfants de se sentir davantage investis dans le cours. Ils savent que cela peut être eux et font l’effort d’apprendre, de revoir leur leçon et de faire les exercices. Ils se sentent plus acteurs dans le travail, ce qui renforce la cohésion de groupe. Chacun compte sur les autres et peut ainsi vérifier ses savoirs. La désignation devient une vérification collective des savoirs. 

Cette désignation aléatoire ne remplace pas forcément la participation spontanée ; elle peut lacompléter. On peut l’appliquer systématiquement ou la réserver à des moments précis du cours. J’ai remarqué que l’enfant habitué à la désignation aléatoire se sent également moins acculé quand on l’interroge de façon traditionnelle. Plutôt que de vivre cette interaction comme une mise en garde pour vérifier son travail, il comprend qu’il peut être interrogé et le vit comme un encouragement à être prêt. Il se met donc en position de réussite en lisant, en apprenant, en fournissant l’effort nécessaire. 

J’ai remarqué que certains élèves se mettent même dans la peau du professeur pour imaginer les questions qui vont être posées. L’élève prend alors conscience des attendus du cours. 

Lorsqu’un élève est interrogé, je veille à toujours faire un retour constructif. Il s’agit de montrer les points forts de la réponse de l’élève ou, à l’inverse, de ne répondre pas par un simple « non » à une réponse erronée mais plutôt « es-tu sûr que cela répond à la consigne » « peux-tu développer ta réponse ? » « N’est-ce que cela ? » Bref, autant d'interrogations qui permettent à l’élève de réinvestir et d’aller rechercher dans sa mémoire les apprentissages. Son cerveau apprend donc à classer les informations. 

La désignation aléatoire s’appuie autant sur l’individuel, en invitant l’élève à se responsabiliser et à devenir acteur de ses apprentissages, que sur le collectif : chaque réponse apportée par les élèves permet de construire un argumentaire commun, cohérent et riche. Cette désignation aléatoire favorise les apprentissages et permet de vérifier la compréhension globale de la classe. 

 

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